1800-1912
Souvent peu lu ou mal lu, retraduit ou travesti, Jean-Jacques Rousseau demeure singulièrement présent dans la conscience occidentale. Dès 1800 et tout au long du XIXe siècle, on se heurte à lui à peu près dans tous les domaines, de la politique à la philosophie, de la métaphysique à la pédagogie. Les politiques le prennent à partie, l’Église le condamne, la droite et la gauche le tirent à hue et à dia, comme en témoignent les révolutions en 1830 et 1848 et, en 1878 et 1912, les célébrations des Centenaires.
L’image qu’on se fait de l’homme et de l’œuvre dépend des présupposés idéologiques des lecteurs, en particulier à l’égard des événements révolutionnaires dont Jean-Jacques, pour le meilleur ou pour le pire, est tenu pour l’un des principaux responsables.
Peu de penseurs et d’écrivains ont connu pareille destinée, car le Contrat social et l’Émile ne sont pas seuls mis en cause. Les Confessions à la fois fascinent et indignent, La Nouvelle Héloïse, qui inspire les créateurs – et non les moindres : Balzac, Stendhal ou Sand – jusqu’au milieu du XIXe siècle, est ignorée ou vilipendée par la critique, Proudhon ou Lamartine, Saint-Marc Girardin ou Louis Veuillot, Barbey d’Aurevilly ou Émile Faguet y dénonçant un abîme de perversion et d’immoralité. Du Consulat à la IIIe République, Rousseau s’affirme comme l’une des figures les plus prestigieuses et les plus mobilisatrices des temps modernes.